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Infarctus aigu : angioplastie pour les artères non coupables

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Infarctus aigu : angioplastie pour les artères non coupables

Le traitement en urgence de l’infarctus du myocarde avec élévation du segment ST (IDM ST+) repose aujourd’hui sur la re-canalisation de l’artère coronaire vascularisant la région myocardique en cours de nécrose (artère « coupable ») par une procédure interventionnelle coronaire (PCI pour Percutaneous Coronary Intervention). Mais une fois traitée l’artère en cause dans l’IDM et le malade étant toujours sur la table de cathétérisme se pose la question de savoir quelle attitude adopter en urgence vis-à-vis d’éventuelles autres sténoses coronariennes serrées mais non responsables de l’épisode ischémique actuel. En d’autres termes faut-il pratiquer dans ce contexte des angioplasties préventives en urgence comme le font certaines équipes ou, comme le recommandent aujourd’hui les guidelines et la plupart des cardiologues, opter pour un traitement médical pour ces lésions secondaires.

 

Pour répondre à cette interrogation qui n’a rien d’académique puisqu’elle se pose tous les jours dans les Unités de Soins Intensifs Cardiologiques on ne disposait pas jusqu’ici d’essais de grande ampleur réalisés dans ce contexte d’urgence (les études disponibles n’ayant montré qu’une amélioration non significative du pronostic avec l’angioplastie préventive).

L’étude PRAMI (pour Preventive Angioplasty in Acute Myocardial Infarction) a été conçue pour tenter de trancher la question.

465 patients sur 2 428 infarctus aigus

Cet essai britannique a inclus 465 patients ayant un IDM ST+ aigu pour qui l’artère « coupable » avait été re-canalisée avec succès et chez qui la coronarographie révélait une ou plusieurs sténoses de plus de 50 %, accessibles à une PCI, sur d’autres troncs coronaires. Choc cardiogénique, sténose du tronc commun de la coronaire gauche (ou lésions équivalentes) ou occlusion coronaire chronique étaient les principaux critères d’exclusion. En salle de cathétérisme, ces patients ont été randomisés en simple aveugle entre un traitement médical ou une (ou plusieurs) nouvelle PCI sur la (ou les) sténose(s) secondaire(s). Le traitement ultérieur était laissé à la discrétion des praticiens. Toutefois une PCI sur des lésions n’ayant pas été recanalisées en urgence était déconseillée chez les patients asymptomatiques et n’était recommandée qu’en cas d’angor réfractaire.

Le critère principal de jugement était un indice composite regroupant décès de cause cardiaque, IDM, angor réfractaire (avec confirmation objective de l’ischémie).

Une réduction hautement significative de la mortalité cardiaque

Après 23 mois de suivi moyen et en intention de traiter, la stratégie d’angioplastie préventive s’est révélée significativement supérieure à la prise en charge médicale : 21 événements défavorables dans le groupe angioplastie contre 53 dans le groupe traitement médical (réduction du risque de 65 % avec un intervalle de confiance à 95 % [IC95] entre – 42 et – 79 % ; p<0,001). Cette amélioration du pronostic a porté de façon équivalente sur les 3 types d’événements défavorables (réduction de 66 % des décès de cause cardiaque, de 68 % des IDM et de 65 % des angors réfractaires). De plus, les résultats n’ont pas été influencés par l’âge, le sexe, la présence d’un diabète, la localisation de l’IDM et le nombre de troncs coronaires sténosés. Enfin, une amélioration équivalente du pronostic a été constatée également lorsque l’analyse des données était réalisée en per protocole.

Vers une modification des recommandations

Avec PRAMI nous assistons donc à un changement majeur de paradigme puisqu’il est maintenant démontré que la PCI préventive est la meilleure stratégie à adopter chez un patient pluritronculaire souffrant d’un IDM ST+ aigu.

En répondant à la question posée, PRAMI en suscite bien sûr de nouvelles qui devront donner lieu à de nouveaux essais :

  • Des angioplasties préventives différées dans les jours qui suivent l’infarctus index auraient-elles la même efficacité sur le pronostic ?
  • Quid des infarctus sans élévation du segment ST pour lesquels il peut exister une incertitude sur l’artère coupable ?
  • Quelles sont les sténoses qui bénéficieront le plus de l’angioplastie préventive ? En d’autres termes, le seuil de 50 % choisi dans cette étude est-il pertinent ?
  • La mesure de la réserve coronaire (FFR pour Fractional Flow Reserve) des sténoses secondaires sera-t-elle utile pour affiner les indications des angioplasties préventives dans ce contexte comme c’est le cas en dehors de l’urgence ?

En toute hypothèse, PRAMI devrait conduire à une révision des recommandations et à une modification fondamentale de la prise en charge des IDM chez les patients pluritronculaires.

Dr Anastasia Roublev

Wald D et coll. : Randomized trial of preventive angioplasty in myocardial infarction. N Engl J Med 2013; publication avancée en ligne le 1er septembre 2013 (doi:10.1056/NEJMoa1305520).

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