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Digoxine pour contrôler la fréquence cardiaque d’une FA, un risque accru de décès ?

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Digoxine pour contrôler la fréquence cardiaque d’une FA, un risque accru de décès ?

L’analyse d’un sous-groupe de patients inclus dans l’étude AFFIRM (Atrial Fibrillation Follow up Investigation of Rhythm Management ; Circulation 2004; 109: 1509-1513) avait montré que la digoxine était le seul traitement dont la prescription pour contrôler la fréquence cardiaque d’une fibrillation atriale (FA) s’accompagnait d’une augmentation du risque de décès. D’autres études ont confirmé, que chez les patients présentant une FA, la digoxine était associée à une augmentation de 41 % à 53 % du risque de mortalité. En revanche, la récente étude de Gheorgiade (Eur Heart J., 2013; 34: 1489-1497) n’est pas parvenue aux mêmes conclusions et constatait que la digoxine n’augmentait pas la mortalité des patients en FA.

Ces résultats contradictoires ont poussé Shah et coll. à tenter de déterminer à leur tour si la mise sous digoxine des patients en FA était associée à un plus grand risque de décès et, en cas de réponse affirmative, si l’augmentation du risque de mortalité différait selon que les sujets étaient ou non en insuffisance cardiaque et s’il était inhérent à la toxicité propre de la médication ou à une interaction délétère avec les autres médicaments cardiovasculaires prescrits.

L’étude rétrospective, a été conduite sur une cohorte de patients âgés de 65 ans et au delà qui avaient été hospitalisés entre 1998 et 2012 dans la province du Québec au Canada, avec le diagnostic de fibrillation atriale primaire ou secondaire. Les patient ont été classés selon qu’ils présentaient ou non une insuffisance cardiaque et selon qu’ils avaient été mis ou non sous digoxine dans les 30 jours suivant leur sortie de l’hôpital.

L’analyse statistique révèle que, avec un suivi moyen de 3,0 ans, dans le groupe de sujets qui avaient une FA et une insuffisance cardiaque, la prise de digoxine (n = 15 181patients)(vs l’absence de digoxine, n = 24 331) était associée à une augmentation de 14 % du risque de décès de toute cause (hazard ratio [HR] ajusté 1,14 ; intervalle de confiance [IC] 95 % [1,10 à 1,17]). Dans le groupe de sujets qui avaient une FA sans insuffisance cardiaque, la mise sous digoxine (n = 23 200) (vs l’absence de digoxine, n = 77 399) s’accompagnait d’une augmentation de 17 % de la mortalité de toute cause (HR ajusté 1,17 ; IC 95 % [1,14 à 1,19]).

L’analyse montre également que, chez les patients en FA et en insuffisance cardiaque, il existe une interaction significative entre la digoxine et l’amiodarone, traduite par un plus grand risque de mortalité de toute cause sous amiodarone (27 % vs 12 % en l’absence d’amiodarone ; p = 0,031) et ce, probablement parce que l’amiodarone est susceptible de diminuer la clairance rénale de la digoxine et d’augmenter sa concentration sérique.

En conclusion, dans cette étude rétrospective, les analyses statistiques montrent clairement que la mise sous digoxine des patients âgés de plus de 65 ans qui présentent une fibrillation atriale est associée à un risque plus important de décès de toute cause quelle que soit la présence ou l’absence d’une insuffisance cardiaque concomitante (respectivement 14 % et 17 %). Compte tenu du caractère rétrospectif de cette étude, il est vraisemblable que ses conclusions ne seront pas tenues pour acquises définitivement si bien que d’autres études prospectives, multicentriques, randomisées, contrôlées portant sur un très grand nombre de patients seront encore nécessaires à l’avenir pour répondre définitivement à la question posée, de grande importance pratique.

Dr Robert Haïat

RÉFÉRENCES

Shah M et coll. : Relation of Digoxin Use in Atrial Fibrillation and the Risk of All-Cause Mortality in Patients ‡ 65 Years of Age With Versus Without Heart Failure. Am J Cardiol 2014; 114: 401-406.

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