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Les pompiers du Val-d'Oise en grève contre les fausses urgences

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Les pompiers du Val-d'Oise en grève contre les fausses urgences

Les pompiers sont dans la rue. A l'appel du syndicat Unsa, les sapeurs-pompiers du Val-d'Oise vont observer une journée de grève ce jeudi matin et se rassembler devant l'hôpital de Pontoise pour une marche silencieuse contre les « fausses urgences ». Ils dénoncent une dérive de leurs missions, et la part de plus en plus importante prise par le simple transport de malades, au détriment, selon eux, des « vraies urgences ».« Partir prendre en charge un homme se plaignant d'une douleur au pénis suite à une éjaculation », comme cela a été le cas à Villiers-le-Bel, ce n'est plus possible », s'insurge Jérôme François, président de l'Unsa-Sdis 95. « Aujourd'hui, les secours à personnes représentent 80 % de notre activité », souligne-t-il. « Soit dans le Val-d'Oise, 80 000 interventions sur 100 000. Nous estimons que 5 000 à 6 000 d'entre elles ne devraient pas nous incomber. Il s'agit plus ou moins de transport de malades, ce qui devrait être du ressort des ambulances privées. Il y a une dimension sociale dans notre travail que nous ne rejetons pas. Les pompiers sont un des maillons de la chaîne sociale. Mais point trop n'en faut. »

Selon l'organisation des secours en France, c'est le Samu qui est chargé de la régulation. C'est-à-dire qui décide d'envoyer les moyens appropriés sur les interventions, au regard d'une appréciation médicale de la situation. Et donc, selon le syndicat, qui choisit ou pas de mobiliser une ambulance des pompiers. Mais des interventions bénignes seraient souvent justifiées dans le motif de départ par le terme de « malaise », qualifié de fourre-tout. « Normalement, tout ce qui n'est pas urgent doit être du ressort des ambulances privées. Or il n'y a pas de garde ambulancière dans le Val-d'Oise contrairement à d'autres départements. »

Le syndicat évoque aussi le coût exorbitant de ces interventions. Et les conséquences sur le personnel en proie « à une usure psychologique ». « Il y a une fatigue morale chez nos collègues », souligne Guillaume Grillet, pour l'Unsa. « Ils sont entrés dans la profession comme moi pour aider les gens, éteindre des feux. Par vocation. On a tous cet esprit. Mais au bout de cinq ans, certains envisagent une reconversion. » Autre regret : « On a l'impression que le Samu ne prend pas en compte nos bilans. »Appelés pour des gastros ou la crise de nerfs d'un enfant Les fausses urgences, les pompiers de l'Unsa du Val-d'Oise en proposent de nombreux exemples pour illustrer leur propos. « Je pars pour des troubles neurologiques d'un enfant. A l'arrivée, il s'agissait d'un adolescent qui faisait une crise de nerfs parce qu'il ne voulait pas faire ses devoirs ! On a pris en charge le garçon à Cergy avec trois pompiers dans l'ambulance, avec le concours d'un véhicule de police et trois fonctionnaires. Dans le genre, c'est ma plus belle », confie Guillaume Grillet. « Mais des interventions de ce type, nous en avons tous les jours ! »Le syndicaliste cite aussi l'exemple d'un collègue parti pour un pacemaker qui sonnait. « C'était le radio-réveil. Mais il a fallu néanmoins conduire le patient aux urgences. » Autres anecdotes : « Il y a une semaine, je suis parti pour un homme de 20 ans qui avait mal à la tête. J'ai aussi eu le cas d'une femme souffrait d'un œil. Malgré mes bilans, nous avons emmené les personnes aux urgences. Mais c'était du transport pur et simple. »Il évoque aussi cette intervention en soirée après l'appel d'une femme. « Le mari travaillait tôt le matin et refusait d'emmener sa femme à l'hôpital. Ce qui nous arrive régulièrement. Une autre fois, je pars pour une douleur thoracique. A l'arrivée c'était une gastro. Une ambulance de pompiers, c'est totalement disproportionné. Une voiture suffisait ! »Les pompiers insistent sur une autre conséquence de la multiplication des fausses urgences : « Au bout de la chaîne, cela engorge les services d'urgences où nous emmenons les gens. On se retrouve alors avec des attentes de cinq heures. » C'est pourquoi le syndicat Unsa des agents hospitaliers va se joindre ce jeudi matin au mouvement. « La situation va au-delà des problèmes de carence et révèle le manque de moyens dans la fonction hospitalière », estime Yann Le Baron. « Il y a un ras-le-bol collectif. »La grève n'aura aucun impact sur le dispositif de secours dans le Val-d'Oise. Les réquisitions classiques sont mises en œuvre par les services de la préfecture.

Le Samu défend sa gestion des secours Il n'y a pas de fausses urgences pour le Samu. « La régulation, c'est une décision médicale, prise en fonction d'un risque potentiel », assure le Dr Agnès Ricard-Hibon, qui dirige le service dans le Val-d'Oise. « Les pompiers, qui ont une formation de secouriste, n'ont pas la même appréciation du risque que nous. Nous n'avons pas le droit de nous tromper. Nous sommes attachés à la sécurité des patients. » Le nombre de carences (NDLR : les interventions relevant du simple transport de malades par les pompiers faute d'ambulances privées) se chiffre selon elle à 1978 en 2014. Il y en a eu 2 796 en 2012. Loin des 5 000 à 6 000 avancés par l'Unsa-Sdis 95.« Il faut savoir qu'un tiers des ambulances sont envoyées par le Samu. Les deux tiers sont directement décidés par les pompiers, poursuit le Dr Agnès Ricard-Hibon. Ce que l'on appelle les départs réflexe. » Le médecin souligne également l'importance du travail mis en œuvre depuis deux ans avec les sociétés d'ambulances privées. « Le taux de recours à ces sociétés a augmenté de 47 %. Aujourd'hui, le Samu envoie plus d'ambulances privées que de sapeurs-pompiers ! La tendance est inversée depuis deux ans. »

D'ici l'été, confirme la préfecture, les sociétés d'ambulances privées du Val-d'Oise vont signer la charte d'une nouvelle organisation par tranches horaires et par secteurs géographiques. « 33 des 35 transporteurs sanitaires ont participé à la dernière réunion, dans le but notamment de faire baisser les carences », explique-t-on ce mercredi en préfecture. Un travail lancé en 2013 à l'initiative du Samu.La chef de service précise aussi que l'activité du Samu 95 a fortement augmenté depuis 2012. Soit + 15 % de dossiers de régulation médicale, + 17 % de conseil médical (sans envoi de moyen), + 22 % de conseils aux patients pour se rendre à l'hôpital par leurs propres moyens… Dans le même temps indique le Samu, le taux de recours aux sapeurs-pompiers a augmenté de 1,7 % sur deux ans.

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