Angor réfractaire : la voie du sinus

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Angor réfractaire : la voie du sinus

Malgré les progrès constants des techniques de revascularisation percutanée (RPC) ou chirurgicale, l'angor réfractaire est aujourd'hui une pathologie en expansion, du fait du vieillissement de la population et plus particulièrement de la diminution de la mortalité des coronariens traités.

Que proposer à ces patients handicapés par leur angor, malgré un traitement médical bien conduit et dont les lésions coronariennes ne sont pas accessibles à une RPC ou à un pontage ?

Une méthode imaginée en 1935

Les cardiologues interventionnistes ne manquant ni d'imagination, ni d'audace, ni de culture médicale, une équipe américano-israélienne a eu l'idée de remettre au goût du jour une technique mise au point par Beck et coll. en 1955 à la suite de travaux conduits chez le chien en 1935 à New York. Il s'agissait alors de réduire chirurgicalement par une ligature partielle le diamètre du sinus coronaire (qui draine une large partie du retour veineux myocardique) en espérant ainsi augmenter grâce à la congestion veineuse la libération d'oxygène au myocarde. Sur ces bases physiopathologiques plus qu'incertaines et en ajoutant à la ligature chirurgicale diverses techniques comme l'abrasion épicardique, la greffe de graisse médiastinale et l'application de poudre d'amiante (!), Beck et son équipe ont opérés 295 patients avec des résultats, chez les survivants, qu'il jugeait satisfaisant (32 % de disparition complète ou quasi complète des douleurs). Mais l'absence de groupe contrôle et surtout l'avènement du pontage aorto-coronarien ont progressivement conduit à l'abandon de cette méthode originale de traitement (de même que des autres interventions proposées à la fin des années 50, comme la ligature de l'artère mammaire interne expérimentée en 1957).

Des angors totalement réfractaires

Le groupe de Stefan Verheye (Boston) et de Shmuel Banai (Tel Aviv) a utilisé pour réduire le débit dans le sinus coronaire un dispositif à ballonnet implantable par cathétérisme droit le Coronary Sinus Reducer de Néovasc (voir figure). Un premier essai non randomisé portant sur 15 malades ayant montré des résultats positifs significatifs en 2007, S Verheye et coll. ont entrepris l'étude COSIRA (pour Coronary Sinus Reducer for Treatment of Refractory Angina). Il s'agit d'un essai randomisé en double aveugle contrôlé par une procédure factice entrepris dans 11 centres de cardiologie (1).

Les patients inclus devraient répondre aux caractéristiques suivantes:

Ces malades ont été randomisés entre la mise en place du Reducer et une intervention factice. Les patients ignoraient le groupe auquel ils avaient été assignés (pour garantir l'aveugle, les sujets portaient un casque musical ou bénéficiaient d'une sédation consciente pour empêcher qu'ils entendent les conversations des médecins durant la procédure!) et si, bien sûr, les opérateurs ne l'ignoraient pas, les médecins devant juger des résultats ne le connaissaient pas.

Le critère principal de jugement était le pourcentage de patients s'étant améliorés d'au moins deux classes CCS au 6ème mois.

Cent quatre patients ont été inclus dans l'essai entre 2010 et 2013. Agés en moyenne de 67,8 ans, une large majorité d'entre eux avaient déjà présenté un infarctus du myocarde (IDM) et plus de 7 sur 10 avaient bénéficié d'un pontage ou d'une RPC. Le Reducer a pu être mis en place chez 50 patients sur 52. Sa pose a été compliquée d'un IDM et d'un épisode d'angor instable (contre un angor instable dans le groupe contrôle).

Une amélioration significative de la symptomatologie

Sur le critère principal de jugement, le traitement a été un succès avec 35 % de patients s'étant améliorés de plus de deux classes CCS à 6 mois contre 15 % avec le traitement factice (p = 0,02). De plus pour 72 % des malades du groupe Reducer, le classement CCS a diminué d'au moins une classe contre 42 % dans le groupe contrôle (p = 0,003). Enfin la qualité de vie évaluée par des indices ad hoc s'est significativement plus améliorée dans le groupe Reducer. En revanche les différences constatées en faveur du traitement actif en ce qui concerne l'évolution de l'index de motion systolique mesuré lors d'échographies sous dobutamine réalisées avant et après traitement et la durée d'effort possible n'ont pas atteints le seuil de signification statistique.

Un infarctus est survenu dans le groupe traitement actif (lors de la pose) contre 3 chez les témoins. Aucun patient du groupe traité n'est décédé dans les 6 mois contre un dans le groupe contrôle.

Quel destin pour le Reducer ?

Cette étude particulièrement rigoureuse dans sa méthodologie (notamment parce qu’elle comportait une procédure factice pour neutraliser un éventuel effet placebo) a donc démontré, sur un petit nombre de patients, l'effet positif du Reducer sur les symptômes angineux dans l'angor réfractaire. L'éditorialiste du New England Journal of Medicine regrette toutefois qu'une vérification du caractère aveugle de l'étude n'ait pas été réalisée (par exemple en demandant aux patients à quel groupe ils pensaient avoir été assignés)(2). De plus l'effectif de COSIRA était encore trop limité pour tirer des conclusions définitives sur son efficacité éventuelle sur des critères objectifs et donc sur l'ischémie elle-même ou sur la morbi-mortalité. Ce devrait être, en plus de la confirmation de ces résultats encore préliminaires, l'un des buts des prochains essais qui seront conduits sur cette nouvelle technique prometteuse en mettant en œuvre des techniques comme l'IRM ou la TEP pour évaluer l'ischémie.

Il reste également à préciser le mécanisme par lequel le Reducer améliorerait l'angor, l'hypothèse d'une redistribution du flux sanguin des zones épicardiques les moins ischémiques aux zones endocardiques ischémiques étant actuellement privilégiée.

Il est cependant encore trop tôt pour pouvoir déterminer si le rétrécissement du sinus coronaire deviendra un traitement "classique" de l'angor réfractaire ou si il sera rangé au magasin des accessoires comme de nombreuses techniques jugées prometteuses puis abandonnées.

 

Références

1) Verheye S et coll.: Efficacy of a device to narrow the coronary Sinus in refractory angina. N Engl J Med., 2015; 372: 519-527.

2) Granger C et coll. : Potential relief for refractory angina. N Engl J Med., 2015; 372:566-567.