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AVC ischémique : après l’heure, c’est plus l’heure

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AVC ischémique : après l’heure, c’est plus l’heure

Publié le 17/05/2010

Le délai entre le début des symptômes et l’administration d’un thrombolytique (ci après le Délai) est, on le sait, un facteur crucial du succès des tentatives de désobstruction artérielle au cours des accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques. Les premières études randomisées conduites avec l’altéplase, un activateur recombinant du plasminogène tissulaire (rt-PA), avaient démontré, qu’une fois les contre-indications éliminées, un traitement débuté moins de 3 heures après le début des symptômes améliorait le pronostic fonctionnel. C’est ce Délai qui est actuellement retenu dans les AMM.

Pour déterminer si malgré une prolongation de ce Délai les résultats de la thrombolyse restaient favorables, l’étude ECASS III conduite en Europe a évalué l’intérêt du rt-PA entre 3 et 4,5 heures après le début des symptômes et a conclu à un bénéfice pour les malades ne présentant pas de signes de lésions cérébrales irréversibles au scanner.

Pour en savoir plus sur les relations entre le Délai, l’efficacité du traitement et ses effets secondaires, Kennedy Lees et coll. ont conduit une analyse groupée des données provenant de 8 essais randomisés de l’altéplase dans les AVC ischémiques (1).

Moins de 4 000 patients inclus dans des essais randomisés

Au cours de ces études, 3 670 patients ont été traités avant la 6ème heure dont 1 850 avec le produit actif. Il faut souligner d’emblée certaines limites de cette analyse groupée, limites qui tiennent au nombre somme toute limité de malades étudiés (si on le compare à celui des patients inclus dans les grands essais de reperfusion des infarctus du myocarde), à l’inhomogénéité des critères d’inclusion et d’exclusion de ces essais et aux différences portant sur les critères de jugement.

Plus de bénéfice fonctionnel significatif après 4,5 heures

Malgré ces réserves il est possible de tirer quelques enseignements utiles de ce travail :
- Il confirme que la probabilité d’un résultat fonctionnel favorable (défini par un score modifié de Rankin de 0 ou de 1) diminue avec la prolongation du Délai (p=0,269). Ainsi l’odd ratio (OR) pour un résultat favorable est-il de 2,55 entre 0 et 90 minutes (avec un intervalle de confiance à 95 % [IC95] entre 1,44 et 4,52), 1,64 entre 91 et 180 minutes (IC95 : 1,12 à 2,40) et 1,34 entre 181 et 270 minutes (IC95 : 1,06 à 1,68), tandis qu’au-delà de 270 minutes (4,5 heures) il n’y a plus de bénéfice significatif de l’altéplase (OR : 1,22 ; IC95 : 0,92 à 1,61).
- Il montre que le risque de transformation hémorragique (hémorragie de type 2) est relativement élevé (5,2 % contre 1 % avec le placebo) mais ne s’accroît pas significativement avec le Délai.
- Il met en évidence en revanche une augmentation de la mortalité lorsque le Délai s’allonge (p=0,0444), la mortalité rejoignant celle des groupes placebo autour de la 180ème minute et étant supérieure sous altéplase entre 4,5 et 6 heures (OR : 1,49 ; IC95 : 1 à 2,21).
- De façon plus générale, cette analyse groupée nous rappelle que, même administrée avant la 180ème minute, l’altéplase n’a un effet favorable que chez un nombre limité de patients (le pourcentage de score de Rankin entre 0 et 1 au 3ème mois ne passant que de 28,9 % sous placebo à 41,9 % sous traitement actif).

Au total pour l’éditorialiste du Lancet (2) :
- jusqu’à la 3ème heure, une fois les contre-indications éliminées, l’indication du rt-PA est indiscutable en raison d’une amélioration fonctionnelle significative et d’une tendance à la diminution de la mortalité ;
- entre 3 et 4,5 heures, le bénéfice fonctionnel étant plus limité et la mortalité ayant tendance à être supérieure à celle du placebo, les indications doivent en tenir compte et probablement être discutées avec le malade ou sa famille ;  
- peu après 4,5 heures, le traitement ne pourrait être envisagé aujourd’hui que dans des cas rares chez un malade parfaitement conscient des risques encourus.

Ces prochaines années, les progrès de la prise en charge des AVC ischémiques passeront, bien sûr par une amélioration de la chaîne de soins permettant à plus de patients de pouvoir bénéficier de l’altéplase dans les délais mais aussi par une meilleure indentification des sujets pouvant tirer bénéfice du traitement, par l’étude de nouveaux thrombolytiques (ou d’association de thrombolytiques) et de traitements neuroprotecteurs, et par l’expérimentation de techniques mécaniques de désobstruction.

Dr Céline Dupin

1) Lees K et coll. : Time to treatment with intravenous alteplase and outcome in stroke : an updated analysis of ECASS, ATLANTIS, NINDS, and EPITHET trials. Lancet 2010; 375: 1695-1703.
2) Saver J et coll.: Alteplase for ischaemic stroke. Much sooner is much better. Lancet 2010; 375: 1667-68.

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