Urgentologue

et pourquoi pas urgentiste ?

Cardiologie

Moins de thrombose, avec du café

Envoyer Imprimer PDF

Moins de thrombose, avec du café

La consommation de café, du fait de sa teneur en caféine, a un effet stimulant sur la pression artérielle et sur le rythme cardiaque, ce qui peut être délétère. Cependant le café contient, outre la caféine, de nombreux constituants comme les diterpènes ou les polyphénols qui peuvent avoir un effet bénéfique protecteur sur l’incidence des maladies cardiovasculaires : cela a été régulièrement montré dans des études cliniques antérieures, peut-être en s’opposant au phénomène de résistance à l’insuline, ou en diminuant les réactions inflammatoires voire en améliorant la dysfonction endothéliale. L’impact de la consommation modérée de café sur le taux de survenue de maladies thromboemboliques veineuses a été beaucoup moins bien étudié et c’est l’objectif de l’étude rapportée ici qui s’est aussi intéressée à l’effet sur le taux des facteurs de la coagulation.

Cette étude fait partie de MEGA, étude cas-contrôles menée aux Pays-Bas sur une grande échelle visant à dépister différents facteurs de risque favorisant la survenue de thromboses veineuses. Elle a comporté 3 606 participants dont 1 803 patients ayant présenté un épisode de thrombose veineuse profonde et/ou une embolie pulmonaire et 1 803 contrôles. La date index était celle de la survenue de l’accident thrombotique confirmé objectivement par les examens complémentaires appropriés ; les situations favorisant les thromboses étaient recherchées : chirurgie, traitement hormonal, contraception œstroprogestative, grossesse, cancer (dans les 5 ans précédents) ; étaient aussi listés la consommation de tabac, l’indice de masse corporelle, et enfin dans les trois mois précédent l’accident thrombotique, la consommation de café (absence ; de 1 à 4 tasses /j ;de 5 à 9 tasses/j et enfin plus de 10 tasses/j). Les paramètres de la coagulation étaient étudiés au moins 3 mois après l’évènement thrombotique à distance donc du syndrome inflammatoire l’accompagnant.

Un risque relatif diminué de 20 %

La consommation de café a entraîné une diminution de 30 % du risque de thrombose veineuse (Odds ratio [OR] : 0,7 ; intervalle de confiance à 95 % [IC] : 0,5-0,9). Après ajustement pour les autres paramètres pouvant interférer (âge, sexe, indice de masse corporelle, tabac, facteurs hormonaux, alcool, maladie maligne ou maladie chronique, utilisation de statine ou d’aspirine), le risque relatif demeurait diminué de 20 % (OR 0,8 ; IC : 0,6-1,1). Ces résultats étaient similaires qu’il s’agisse de la survenue des thromboses veineuses profondes ou celle des embolies pulmonaires, que l’on considère d’autre part les évènements provoqués ou non provoqués. Il n’y avait pas non plus de différence significative selon l’importance de la consommation de café mais les effectifs n’ont pas permis d’étudier une consommation supérieure à 10 tasses/j. Chez les contrôles la consommation de café n’entraînait aucune différence concernant le taux des inhibiteurs de la coagulation (protéine C, protéine S ou antithrombine), le taux du fibrinogène ou le temps de lyse des euglobulines. Par contre les taux du facteur von Willebrand et du F.VIII étaient significativement plus bas chez les sujets consommateurs de café, respectivement de 11 (3-19) et 11 (1-21)UI/100mL.

Que la diminution du taux de survenue des évènements thrombotiques chez les consommateurs de café soit due à une diminution des taux du F.VIII et du F. von Willebrand est tout à fait plausible puisqu’il a bien été montré dans des études effectuées chez la souris ou dans des travaux épidémiologiques qu’un accroissement du taux de ces facteurs est liée à une augmentation de l’incidence des thromboses veineuses. Le mécanisme d’action du café reste hypothétique : on peut envisager le rôle des polyphénols qui ont un effet anti-inflammatoire, de protection sur l’endothélium vasculaire et un effet inhibiteur sur l’activation plaquettaire. La force de cette étude est qu’il s’agit d’une étude cas/témoins portant sur un nombre élevé de patients. Néanmoins, étant donné l’importance de la consommation de café dans le monde (première boisson après l’eau), il semble nécessaire de confirmer ces résultats et d’en préciser le mécanisme par des essais prospectifs contrôlés.

Dr Sylvia Bellucci

Roach R E et coll. : Coffee consumption is associated with a reduced risk of venous thrombosis that is mediated through hemostatic factor levels. J Thromb Haemost., 2012; 10: 2519-2525. doi: 10.1111/jth.12034.

Quelle dose d’aspirine après un syndrome coronaire aigu ?

Envoyer Imprimer PDF

 Quelle dose d’aspirine après un syndrome coronaire aigu ?

L’aspirine (ASA) reste aujourd’hui l’une des clés de voûte de la prévention secondaire après un syndrome coronaire aigu (SCA).

Sans rationnel solide, les patients jugés à très haut risque reçoivent souvent de plus fortes doses que les patients jugés à moindre risque de récidive.

En fait, la question reste aujourd’hui encore largement ouverte : quelle est la meilleure dose d’aspirine chez les patients ayant fait un SCA?

Une équipe américaine a souhaité réexaminer ce thème et pour ce faire, a réalisé une revue systématique de la littérature. Ils ont retenu 136 études publiées rassemblant quelque 300 000 patients (n : 289 330).

Parmi les patients ayant bénéficié de la pose de stent(s), il n’a pas été observé davantage d’accidents hémorragiques majeurs à 1 mois avec les fortes posologies d’ASA (2,1 % [1,5-2,6] pour une posologie d’ASA < 160 mg versus 1,9 % [0,0-3,8] pour une posologie d’ASA ≥ 160 mg).

Il n’a pas non plus été observé de différence entre les groupes quant au risque d’infarctus du myocarde (2,1 % [1,3-2,8] pour une posologie d’ASA < 160 mg versus 1,8 % [0,9-2,6] pour une posologie d’ASA ≥ 160 mg), ni pour la mortalité toutes causes confondues (2,8 % [2,2-3,4] pour une posologie d’ASA < 160 mg versus 2,4 % [1,3-3,5] pour une posologie d’ASA ≥ 160 mg).

Les résultats sont du même type chez les patients ayant bénéficié uniquement d’un traitement médical, hormis les accidents hémorragiques majeurs qui ont été plus fréquents avec les fortes doses d’ASA (1,7 % [1,3-2,2] versus 4,0 % [2,2-5,8]).

Les analyses de régression avec ajustements n’ont retrouvé aucune différence significative entre les groupes de doses, à 1 mois et à 6 mois, sur les différents critères de jugement, excepté sur les hémorragies à 1 mois en cas de prise en charge purement médicale.

Ces résultats suggèrent donc que, par rapport aux « faibles » doses d’ASA, les plus fortes doses ne procurent pas de bénéfices dans les suites d’un SCA.

Relevons cependant que ces résultats sont issus essentiellement d’études observationnelles et non d’études prospectives randomisées.

Dr Olivier Meillard

Berger JS et coll. : Is there an association between aspirin dosing and cardiac and bleeding events after treatment of acute coronary syndrome? A systematic review of the literature

Am Heart J 2012; 164:153-62

La dissection aiguë de l’aorte ascendante est méconnue dans plus de 20 % des cas

Envoyer Imprimer PDF

La dissection aiguë de l’aorte ascendante est méconnue dans plus de 20 % des cas

Le tableau clinique de la dissection aortique aiguë avec déchirure de l’aorte ascendante est trompeur ; il simule de nombreuses affections et, de ce fait, la dissection est souvent méconnue ou reconnue trop tardivement.

Dans une étude récente, Roberts et coll. notent qu’au cours de ces 3 dernières années (2009-2011), le diagnostic de dissection aortique aiguë avec déchirure a été porté chez 30 patients hospitalisés au Baylor University Medical Center de Dallas : dans 23 cas (77 %), le diagnostic a pu être fait cliniquement et les patients ont été opérés en urgence ; dans les 7 autres cas (23 %), la dissection n’a pas été reconnue clinique ment. L’analyse de ces 7 cas montre que :

-dans 4 cas, les patients ont été opérés pour une autre raison que la dissection, à savoir pontage aorto-coronaire (n=3) ou fermeture d’une communication inter-auriculaire (n=1). Chez ces 4 patients, la dissection a été reconnue lors de l’intervention (n= 2) ou à l’autopsie (n= 2) ;

-dans 3 cas, les patients sont décédés subitement d’une rupture aortique compliquée d’hémopéricarde et ce n’est qu’après le réexamen rétrospectif du scanner réalisé avant le décès du patient que le diagnostic de dissection aortique a été porté a posteriori dans 2 de ces 3 cas.

C’est ainsi qu’au total, dans 7 cas sur 30 (23 %) la dissection aortique aiguë avec déchirure de l’aorte ascendante n’a pas été reconnue cliniquement et dans 5 de ces 7 cas, les patients n’ont pas bénéficié d’un traitement chirurgical approprié.

Or, on sait que la méconnaissance de la dissection a de lourdes conséquences : habituellement, le décès survient dans les 30 jours après les premiers symptômes, tout retard diagnostic exposant par ailleurs, de par l’absence de traitement, à une mortalité de 1 % à 2 % par heure.

En conclusion, si le pourcentage exact de patients décédés d’une dissection aortique aiguë de l’aorte ascendante non diagnostiquée cliniquement n’est pas connu avec précision, il est très sous-estimé et dépasse certainement 23 % compte tenu du fait qu’aux Etats Unis, le taux d’autopsies est aujourd’hui < 5 %.

Dr Robert Haïat

Roberts WC et coll. : Acute Aortic Dissection With Tear in Ascending Aorta Not Diagnosed Until Necropsy or Operation (for Another Condition) and Comparison to Similar Cases Receiving Proper Operative Therapy. Am J Cardiol 2012; 110: 728 –735.

Fibrillation auriculaire et antécédents d’ulcère gastroduodénal : quel pronostic sous anticoagulants oraux ?

Envoyer Imprimer PDF

Fibrillation auriculaire et antécédents d’ulcère gastroduodénal : quel pronostic sous anticoagulants oraux ?

L’ulcère gastroduodénal touche 4 millions de patients aux Etats Unis et la mortalité secondaire aux hémorragies digestives qui peuvent le compliquer varie, selon les séries, entre 1 % et 13 %.

Le risque hémorragique est une source de préoccupation constante lorsque ces patients doivent être mis sous anticoagulants oraux (ACO), comme c’est le cas notamment, entre autres, en présence d’une fibrillation auriculaire (FA).

Lee et coll. se sont penchés sur ce problème particulier dans une étude qui a évalué l’efficacité et la sécurité d’emploi des ACO chez 430 patients qui avaient tout à la fois une FA non liée à une valvulopathie et des antécédents d’ulcère ; 200 d’entre eux étaient traités par les ACO (groupe ACO+) tandis que 230 ne l’étaient pas (groupe ACO-).

Au cours d’un suivi moyen de 3,3 ± 2,7 ans, les patients du groupe ACO+ ont présenté 2 fois moins d’événement cardiaque majeur (co-critère principal incluant accident vasculaire cérébral [AVC] ischémique, infarctus du myocarde, embolie pulmonaire ou systémique) que les patients du groupe ACO- : 14 % vs 29 % (p=0,001). Il en était de même pour le taux annuel d’AVC ischémique qui était respectivement de 2,4 % et 5,4 % dans les groupes ACO + et ACO-.

Une hémorragie majeure (autre co-critère principal) est survenue chez 46 patients (23 %) du groupe ACO+ et 25 patients (11 %) du groupe ACO- (p= 0,001).

Il n’a pas été noté de différence significative entre les 2 groupes quant à l’incidence du critère composite principal (événement cardiaque majeur ou hémorragie majeure) survenu respectivement chez 29 % et 36 % des patients des groupes ACO+ et ACO- (p= 0,08).

L’incidence d’une hémorragie majeure était significativement plus basse, chutant de 30 % à 14 % (p=0,02) lorsque les ACO étaient initiés après confirmation endoscopique de la guérison de l’ulcère.

Par ailleurs, les patients du groupe ACO+ dont l’INR était resté plus de 60 % du temps thérapeutique dans la fourchette recommandée (INR : 2 à 3), ont eu une meilleure survie cumulée libre de tout événement du critère composite principal (à savoir, événement cardiaque majeur ou hémorragie majeure) que les patients du groupe ACO- (p=0,01).

En conclusion, en présence d’une une FA non liée à une valvulopathie et d’antécédents d’ulcère, les patients mis sous ACO ne présentent pas davantage d’événements du critère composite que les patients non soumis à un traitement ACO. De plus, sous ACO, le maintien de l’INR dans la zone thérapeutique (INR : 2 à 3) diminue l’incidence du critère composite tandis que la confirmation par fibroscopie de la guérison de l’ulcère réduit le risque hémorragique.

Dr Robert Haïat

Lee SJ et coll. : Bleeding Risk and Major Adverse Events in Patients With Previous Ulcer on Oral Anticoagulation Therapy. Am J Cardiol 2012; 110:373–377.

Page 3 sur 5

Vous êtes ici : Home