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Cardiologie

Ne pas interrompre les AVK pour la pose d’un pace-maker ou d’un défibrillateur

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Ne pas interrompre les AVK pour la pose d’un pace-maker ou d’un défibrillateur

Les recommandations de la Haute Autorité de Santé d’avril 2008 autorisent la réalisation d’actes de chirurgie cutanée sans arrêt du traitement anticoagulant, mais avec un niveau de preuve bas (grade C). Une étude multicentrique (17 centres canadiens et 1 brésilien) randomisée, contrôlée, en simple aveugle vient relever le niveau de preuve.

681 patients randomisés

Six cent quatre-vingt-un patients devant bénéficier soit de la pose d’un pace-maker ou d’un défibrillateur implantable, soit d’un changement de boîtier ou d’électrodes, soit d’une révision de chambre, ont été randomisés en 2 groupes homogènes, entre octobre 2009 et février 2013 :

• un groupe AVK (GAVK de 343 patients) : AVK (warfarine) poursuivi jusqu’au matin de l’intervention (J0), avec un INR cible à J0 en zone thérapeutique (soit 3 ou moins, sauf pour les patients porteurs de valve mécanique : INR cible à 3-3,5). Dans 8 cas, il y a eu report de l’intervention pour INR supra-thérapeutique, 335 ont été opérés, 334 ont été suivis intégralement dans le cadre de l’étude.

• un groupe héparine (GH de 338 patients) : arrêt de l’AVK à J-5, relais par héparine à J-3 (soit héparine non fractionnée HNF [10,7 % des patients], soit héparine de bas poids moléculaire HBPM [89 %], ou les 2 [1,9 %], à dose curative). Le traitement par HNF était interrompu 4h au moins avant l’intervention, celui par HBPM 24 heures au moins. Il y a eu report pour 3 patients, 326 ont été opérés, 325 ont été suivis intégralement dans le cadre de l’étude.

Dans les 2 groupes, le traitement par clopidogrel était arrêté à J-5 chez les patients stentés depuis plus de 1 an, poursuivi chez les patients porteurs d’un stent imprégné ou stentés plus récemment. L’acide acétyl-salicylique était poursuivi chez tous.

L’objectif primaire consistait à évaluer l’incidence des complications hémorragiques postopératoires définies par la survenue d’un hématome de la poche de dissection augmentant la durée d’hospitalisation de 24h au moins, ou provoquant une réhospitalisation de 24h minimum, ou nécessitant l’arrêt de l’anticoagulation, par antagonisation ou simple suspension de traitement. Les objectifs secondaires comprenaient l’analyse des autres évènements hémorragiques et thrombo-emboliques, les décès, la qualité de vie, la douleur péri-opératoire, et la satisfaction du patient. Deux analyses intermédiaires étaient programmées au premier et au deuxième tiers de patients inclus, sachant qu’il avait été calculé qu’un échantillon de 984 patients était nécessaire pour apporter un niveau de preuve de réduction de l’incidence des complications hémorragiques de 30 % avec une puissance de 80 % dans le groupe GAVK.

Moins d’hématomes sous AVK !

La différence d’incidence des complications hémorragiques s’étant avérée nettement en faveur du groupe GAVK, l’étude a été interrompue le 27 février 2013 : seuls 3,5 % des patients du GAVK (12/343) avaient présenté un hématome significatif contre 16 % du GH (54/338) : risque relatif : 0,19, intervalle de confiance à 95 % : 0,1-0,36, p0,001. Parmi les objectifs secondaires, seul le score de satisfaction du patient est statistiquement différent entre les 2 groupes, en faveur du GAVK.

La poursuite de l’AVK (warfarine) lors de la chirurgie pour stimulateur ou défibrillateur cardiaque peut donc se justifier devant le moindre risque d’hématome postopératoire. Malheureusement, malgré son intérêt pharmaco-cinétique, la warfarine n’est pas l’AVK le plus prescrit en France. Le caractère subjectif de l’objectif primaire peut également paraître criticable. Néanmoins cette étude fournit des arguments à la poursuite du traitement anticoagulant par AVK en cas de chirurgie mineure.

Dr Monique Carlier

DH Birnie et coll. : Pacemaker or Defibrillator Surgery without Interruption of Anticoagulation. N Engl J Med., 2013; 368: 2084-2093.

Encore une déception pour les omégas 3 !

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Encore une déception pour les omégas 3 !

En prévention cardiovasculaire (CV), le bénéfice supposé des omégas 3 a été remis en question par la plupart des essais randomisés bien conduits. Notamment, l’étude Française SUFOLOM, chez des sujets en prévention secondaire d’un infarctus du myocarde (IDM), n’a pas montré d’intérêt à une supplémentation en omégas 3 à longue chaîne.

Une nouvelle étude d’intervention, randomisée, en double aveugle confirme ces résultats dans un autre contexte clinique. Ce sont cette fois-ci des sujets à haut risque CV, mais n’ayant pas souffert d’infarctus du myocarde, qui ont été inclus par des médecins généralistes, en Italie. Les volontaires devaient avoir un antécédent de maladie CV avérée (à l’exception d’un IDM qui était un critère d’exclusion) et/ou présenter au moins quatre des facteurs de risque suivants : une obésité, un âge> 65 ans, le sexe masculin, une hypercholestérolémie, un tabagisme, une hypertension artérielle et une coronaropathie précoce familiale. Pour les patients diabétiques, un seul facteur de risque supplémentaire était requis.

Entre 2004 et 2007, 12 513 patients ont été randomisés pour prendre quotidiennement une gélule contenant 1 g d’oméga 3 (EPA et DHA) ou une gélule d’huile d’olive (considérée comme un placebo).

L’incidence du critère de jugement principal initialement défini (décès, IDM non fatal, accident vasculaire cérébral non fata) ayant été trop faible à la fin de la première année, les auteurs ont décidé de l’élargir (décès d’origine CV ou hospitalisation pour une pathologie CV) afin que la puissance de l’analyse soit suffisante pour mettre en évidence, s’il existe, l’effet bénéfique des omégas 3.

Un effet favorable seulement chez les femmes

Après une médiane de suivi de 5 ans, la fréquence de survenue du critère principal de jugement (11,8 % dans le groupe oméga 3, 11,7 % chez les témoins) n’a pas été différente entre les deux groupes (p=0,58). De même, les omégas 3 n’ont eu d’effet sur aucun des critères de jugement secondaires prédéfinis. Les analyses de sous-groupes, notamment chez les diabétiques, chez les patients les plus âgés (> 65 ans) et chez ceux qui étaient en prévention secondaire à l’entrée dans l’étude, sont également négatives. En revanche, un effet en faveur des omégas 3 est observé dans le sous-groupe des femmes (Hazard Ratio : 0,82 ; intervalle de confiance à 95 % : 0,67-0,99).

Il n’a pas été rapporté de différence notable dans la survenue d’effets indésirables entre les groupes. On notera toutefois l’apparition de 2 épistaxis sévères dans le groupe omégas 3 dont la relation causale avec le traitement, bien que possible, ne peut pas être affirmée.

Ces données vont à l’encontre des études GISSI et GISSI-HF. Dans ces deux essais, il est possible que les omégas 3 aient été efficaces par leur action antiarythmique, les sujets étant à haut risque de troubles du rythme ventriculaire, ce qui n’est pas le cas dans la présente étude.

En pratique, il n’y a maintenant aucun argument pour recommander une supplémentation en omégas 3 chez les sujets à haut risque CV. Il reste à confirmer l’hypothèse d’un possible effet bénéfique chez les femmes et/ou en post-infarctus immédiat. En revanche, ces données ne modifient en rien la recommandation de consommer des omégas 3 sous forme de poisson gras plusieurs fois par semaine, compte tenu de la relation épidémiologique inverse observée entre la consommation de poisson et le risque CV.

Dr Boris Hansel

Roncaglioni MC et coll. Risk and Prevention Study Collaborative Group : n-3 fatty acids in patients with multiple cardiovascular risk factors. N Engl J Med., 2013; 368: 1800-8. doi: 10.1056/NEJMoa1205409.

La circonflexe est souvent en cause dans les infarctus sans sus décalage du segment ST

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La circonflexe est souvent en cause dans les infarctus sans sus décalage du segment ST

L’ECG ne permet pas toujours de discerner une occlusion aiguë de l’artère circonflexe. Le retard voire l’échec de cette identification risque d’aggraver le pronostic.

Menon et coll. ont voulu justement vérifier si ce manque de sensibilité de l’ECG de surface à l’égard de l’artère circonflexe entraînait une « surreprésentation » de l’occlusion totale de cette artère chez les patients présentant un infarctus du myocarde sans sus décalage du segment ST (IDM ST-) inclus dans l’étude OAT (Occluded Artery Trial) ; ils ont également comparé, chez ces malades, l’efficacité du traitement par procédure interventionnelle (PCI) à celle du seul traitement médical optimal.

Globalement, les patients ayant un IDM ST- (n= 283) constituaient 13 % de la population de l’étude. L’artère circonflexe était bien plus souvent responsable de l’infarctus dans le groupe des patients IDM ST- que dans le groupe des patients IDM ST+ (42,5 vs 11,2 % ; p < 0,0001).

Avec un suivi de 7 ans, dans le groupe des IDM ST-, il n’a pas été noté de différence entre les patients randomisés à la PCI et ceux randomisés au seul traitement médical optimal, quant à l’incidence du critère composite principal associant décès, infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque classe NYHA IV (22,3 % vs 20,2 % ; hazard ratio [HR] : 1,20 ; intervalle de confiance [IC] 99 % [0,60 à 2,40]; p=0,51).

Il en a été de même en ce qui concerne l’incidence de chacun des événements composant le critère principal à savoir, décès (13,8 % vs 17,0 % ; HR 0,82 ; IC 99 % [0,37 à 1,84] ; p= 0,53),infarctus du myocarde (6,1 % vs 5,1 % ; HR 1,11 ; IC 99 % [0,28 à 4,41] ; p= 0,84) et insuffisance cardiaque classe NYHA IV (6,7 % vs 6,0 % ; HR 1,50 ; IC 99 % [0,37 à 6,02] ; p= 0,45).

Il n’a pas été retrouvé d’interaction entre le type de l’infarctus déterminé par l’ECG et l’effet du traitement (p= NS).

En conclusion, l’occlusion de l’artère circonflexe est responsable d’un grand nombre d’IDM ST- ; elle est surreprésentée dans ce type d’infarctus. En accord avec les conclusions globales de l’étude OAT, les patients ayant un IDM ST- secondaire à l’occlusion totale de l’artère responsable de l’infarctus et se trouvant dans un état stable ne retirent pas un bénéfice supplémentaire, en terme de pronostic, à être traités par PCI plutôt que par le seul traitement médical optimal.

Dr Robert Haïat

Menon V et coll.: Infarct Artery Distribution and Clinical Outcomes in Occluded Artery Trial Subjects Presenting With None ST-Segment Elevation Myocardial Infarction (from the Long-Term Follow-up of Occluded Artery Trial [OAT]). Am J Cardiol., 2013; 111: 930-935.

Infarctus du myocarde ST+ : la fibrinolyse préhospitalière est une alternative efficace

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Infarctus du myocarde ST+ : la fibrinolyse préhospitalière est une alternative efficace quand l’angioplastie primaire ne peut être réalisée à temps

Les recommandations actuelles préconisent de traiter préférentiellement par angioplastie primaire les patients qui présentent un infarctus du myocarde aigu avec sus–décalage du segment ST (IDM ST+).

Cependant, cette technique de reperfusion myocardique, dont l’efficacité est très dépendante du délai de mise en œuvre, ne peut être appliquée à bon nombre de patients hospitalisés dans des hôpitaux sans infrastructure permettant de réaliser une procédure interventionnelle.

Dans ce contexte, on ignore si la mise en route d’une fibrinolyse pré-hospitalière suivie d’une angioplastie coronaire peut fournir une évolution clinique semblable à celle qu’on aurait obtenue après une angioplastie primaire réalisée précocement.

STREAM (Strategic Reperfusion Early after Myocardial Infarction), étude ouverte, randomisée, multicentrique (99 centres dans 15 pays), a tenté de répondre à cette interrogation. Les patients éligibles présentaient un IDM ST+ dont les symptômes avaient débuté moins de 3 heures avant l’admission et ne pouvaient bénéficier d’une angioplastie primaire dans l’heure suivante. Sur les 1 915 patients inclus entre mars 2008 et juillet 2012, 1 892 ont été randomisés en 2 bras : soit angioplastie primaire, soit traitement fibrinolytique (bolus de ténecteplase de 30 à 50 mg en fonction du poids [demi-dose si âge ≥ 75 ans]) associé à une dose de charge de clopidogrel de 300 mg (75 mg si âge ≥ 75 ans) relayée par 75 mg/jour, d’aspirine (150 à 325 mg immédiatement suivis par 75 à 325 mg/jour) sous couvert d’enoxaparine (bolus IV de 30 mg relayé par 2 injections SC /jour de 1 mg/Kg [0,75 mg/kg si âge ≥75ans]) tous administrés avant transfert vers un centre spécialisé où la procédure interventionnelle était réalisée soit immédiatement, en cas d’échec de la fibrinolyse soit entre la 6e et la 24e heure, en présence de signes témoignant d’une reperfusion efficace (diminution de ≥ 50 % du sus-décalage du ST, absence de douleur).

Le critère principal composite associait la survenue dans les 30 premiers jours, d’un des événements parmi les suivants : décès, choc cardiogénique, insuffisance cardiaque congestive et récidive d’IDM.

L’incidence de survenue des événements du critère principal n’a pas été significativement différente dans les 2 groupes à savoir, 12,4 % dans legroupe fibrinolyse vs14,3 % dans le groupe angioplastie primaire (risquerelatif sous fibrinolyse 0,86 ; intervalle de confiance à 95% [0,68 à 1,09 ; p = 0,21).

Une coronarographie urgente a été nécessaire chez 36,3 % des patients du groupe fibrinolyse tandis que 63,7 % en ont bénéficié en moyenne 17 heures après la randomisation. Les hémorragies intracrâniennes ont été significativement plus fréquentes dans le groupe fibrinolyse (1,0 % vs 0,2 % dans le groupe angioplastie ; p = 0,04). Le taux des autres accidents hémorragiques était semblable dans les 2 groupes.

En conclusion, chez les patients présentant un IDM aigu ST+, la fibrinolyse préhospitalière suivie d’une angioplastie différée assure une reperfusion myocardique aussi efficace qu’une angioplastie primaire ainsi qu’en témoigne l’incidence semblable d’événements du critère principal dans les 30 premiers jours, dans ces 2 groupes thérapeutiques ; ce résultat est acquis au prix d’une légère augmentation du risque d’hémorragie intra-crânienne sous fibrinolyse.

Dr Robert Haïat

Armstrong PW et coll. : Fibrinolysis or Primary PCI in ST-Segment Elevation Myocardial Infarction. N enfl J Med 2013; publication avancée en ligne le 10 mars. DOI: 10.1056/NEJMoa1301092

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